21 et 22 novembre 1700, Giaros
Joura (TOURNEFORT 1717). BnF / Gallica
Giaros, avril 2024.
" Les Romains avaient raison de reléguer les criminels dans cette île [de 1948 à 1974, durant la dictature militaire, Giaros fut de nouveau un lieu de déportation et d'internement de dissidents politiques] ; c’est le lieu le plus stérile et le plus désagréable de l’Archipel ; on n’y trouve que des plantes fort communes : nous n’y vîmes que de gros mulots, peut-être de la race de ceux qui obligèrent les habitants de l’île à l’abandonner, comme Pline le rapporte ; quelques auteurs pour représenter la misère du pays n’ont pas fait difficulté de dire que ces animaux étaient contraints d’y ronger le fer tel qu’on le tirait des mines : cela nous apprend qu’il y en avait dans Joura, & le terroir nous parut assez mauvais pour le croire.
Joura est tout à fait abandonnée aujourd'hui, [aujourd'hui Giaros est inhabitée et zone intedite] et l’on n’y voit aucun vestiges d’antiquité ; il est vrai qu’elle a toujours été fort pauvre : Strabon n’y trouva qu’un chétif village habité par des pêcheurs, dont l’un fut député à Auguste pour obtenir une diminution de leur tribut réglé à 150 deniers ; nous nous rappelâmes l’idée de cette misère à l’aspect de trois malheureux bergers qui mouraient de faim depuis dix ou douze jours ; ils se présentèrent à nous hâves et décharnés et sans autre cérémonie allèrent chercher dans notre caïque le sac au biscuit qu’ils avalèrent sans mâcher quelque dur qu’il fût, avouant qu’ils étaient contraints de manger leur viande sans pain et sans sel, depuis que le mauvais temps n’avait pas permis aux bourgeois de Syra leurs maîtres de leur envoyer le secours ordinaire.
(…)
Voilà les réflexions que nous fîmes à Joura, couchés dans une chapelle ruinée où nous n’osions nous endormir de peur que les mulots ne vinssent nous ronger les oreilles ; ainsi nous n’attendîmes pas qu’il fût jour pour passer à Andros & nous réservâmes notre sommeil pour le bateau." TOURNEFORT 1717